A la recherche de la génération coupable ou la tentation de la crise générationnelle.

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Premières victimes de la crise sanitaire, les anciens, notamment les boomers. Premières victimes de la crise économique, les jeunes. Une guerre de génération pointe, mais en se frottant aux chiffres, la génération coupable n’est sans doute pas celle qu’on imagine!

21 avril 2020 - La crise sanitaire est devenue crise économique et financière. Pour protéger la vie, on sacrifie l’économie. Premières victimes de la crise sanitaire, les anciens, notamment les boomers. Premières victimes de la crise économique, les jeunes. Une guerre de génération pointe, mais en se frottant aux chiffres, la génération coupable n’est sans doute pas celle qu’on imagine!

La tentation est grande. Contester le choix de la majorité des gouvernements de protéger la vie “à tout prix”. Sacrifier l’économie, pour protéger les anciens. Au-delà des premiers murmures, cette approche s’affiche désormais publiquement. Dans les propos d’André Comte-Sponville par exemple qui clame “Laissez-nous mourir comme nous voulons”. Si le philosophe met en avant la liberté pour justifier le choix de la mort, d’autres sont convaincus qu’en faisant le choix du confinement, on se tourne vers le passé, ceux qui ont vécu, et on sacrifie la jeunesse, celle qui va vivre. La génération privilégiée, les boomers, premières victimes de cette crise ferait donc peser par leur prise en charge sanitaire le prix d’une dette future. Ok boomer!

Intellectuellement satisfaisante et juste dès lors que l'économie va être durablement affectée, cette provocation s'écrase violemment sur le mur des chiffres. En effet, avec un taux de mortalité aux alentours de 2% (observé en Corée du Sud, pays qui teste le plus (1)) et compte tenu du délai d’incubation, on peut estimer que le nombre de personnes infectées se situait aux alentours d’un million en France le jour de confinement. Si on prend l’hypothèse basse (2) du doublement du nombre de contaminés toutes les semaines, le nombre de contaminés aurait été, sans confinement, autour de 16 millions de personnes un mois après. On aboutissait alors à 320 000 morts, et non 20 000… En ajoutant que dans ces conditions, la saturation totale du système de santé aurait sans doute fait exploser le taux de mortalité au-delà de 5%, pour atteindre 840 000 morts potentiels.

Plus de 800 000 morts en France en 3 mois - quelque soit leur âge - à comparer aux 1,4 millions de morts en 4 ans lors de la Première Guerre mondiale. Un chiffre qui donne le vertige. A l’aune de ces données, les boomers seraient donc les rescapés collatéraux du confinement mis en place pour protéger largement. La génération chanceuse peut-être (elle n’a pas connu de guerre et a bénéficié d’une forte dynamique économique, etc.) mais difficile de lui reprocher sa chance. Et particulièrement face à cette crise, car hormis quelques dinosaures égarés, la décision du confinement généralisé est aujourd’hui aux mains d’autres générations.

S’il ne fait aucun doute que la jeune génération (et celles qui paient aujourd’hui l’impôt) sera sans doute la victime économique de cette crise, il ne fait aucun doute non plus que la génération qui pourrait être mise en cause est celle qui est aux affaires depuis 10 ans, celle qui a remplacé les boomers : Celle qui a laissé filé la dette, qui a négligé la gestion des risques, qui a survolé les détails, qui a gravi le pouvoir par simple aspiration démographique (car beaucoup moins nombreux que les boomers) sans effort mais avec ambition... Cette génération est-elle véritablement en mesure d’organiser le monde d’après ou faut-il compter sur les générations X, Y ou Z et espérer qu’elles feront preuve d’un peu plus de rigueur?

(1)https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6 - Extraction au 21 avril 2020, le taux de mortalité en Corée atteint 2,21%.

(2)  Avec un 2,2, le temps de doublement du nombre de personnes contaminées est de 7,5 jours. Selon les études, cette donnée varie considérablement 2,4 jours pour un R0 à 5,7 et 7,5 jours pour un R0 à 2,2.

https://www.ecdc.europa.eu/en/geographical-distribution-2019-ncov-cases  et https://www.coreb.infectiologie.com/UserFiles/File/formation/covid19-coreb-dia14avr2020-vf.pdf

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